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essai philosophique

en former des combinaisons sur lesquelles on croit placer sa mise avec avantage. Mais vu la manière dont le mélange des numéros se fait à cette loterie, le passé ne doit avoir sur l’avenir aucune influence. Les sorties plus fréquentes d’un numéro ne sont que des anomalies du hasard : j’en ai soumis plusieurs au calcul, et j’ai constamment trouvé qu’elles étaient renfermées dans des limites que la supposition d’une égale possibilité de sortie de tous les numéros, permet d’admettre sans invraisemblance.

Dans une longue série d’évènemens du même genre, les seules chances du hasard doivent quelquefois offrir ces veines singulières de bonheur ou de malheur, que la plupart des joueurs ne manquent pas d’attribuer à une sorte de fatalité. Il arrive souvent dans les jeux qui dépendent à la fois du hasard et de l’habileté des joueurs, que celui qui perd, troublé par sa perte, cherche à la réparer par des coups hasardeux qu’il éviterait dans une autre situation : il aggrave ainsi son propre malheur, et il en prolonge la durée. C’est cependant alors que la prudence devient nécessaire, et qu’il importe de se convaincre que le désavantage moral attaché aux chances défavorables s’accroît par le malheur même.

Le sentiment par lequel l’homme s’est placé