Page:Lapointe - Mesdames de la Halle.pdf/11

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vieux grigou ! Va donc t’ coucher, vieux pané !… (Revenant à Raflafla.) Comme je vous l’ disais donc, major, j’ai z’uni mon destin, il y a dix-huit ans, à un chenapan, un homme bien aimable, qui m’bourrait de calottes et qui mangeait mon saint-frusquin. C’était un homme cossu, un commis aux gabelles. (À part.) Cachons que c’était un sergent du Royal-Dauphin ; faut faire sa mousse.

RAFLAFLA.

Que les tambours-majors, belle Beurrefondu, n’ont jamais z’agi aussi cavalièrement z’avec les dames ; et que c’est z’avec vous que je voudrais indéfinablement partager ma vie, mes seize sous par jour et votre magot de… trois mille livres.

Mme  BEURREFONDU.

Major, vous êtes séduiseur ; mais c’est pas quand on a z’été plantée là par son ravisseur, qui a z’emporté z’avec lui une fille charmante qu’il m’a ravite à l’âge de trois mois, et que depuis dix-huit ans je n’ai plus entendu parler d’eusse, qu’on redonne dans la rocambolle.

RAFLAFLA.

Et que si vous vouliez seulement z’entendre le chant d’amour du Soleil et de Cydalise, que j’ai composé noqueturnement pour vous ?…

Mme  BEURREFONDU, voyant revenir Mme  Madou.

Vous allez m’ternir, major ; on nous écoute.

RAFLAFLA, inquiet, à part.

Serait-ce z’une défaite, et n’aurait-elle pas un magot de trois mille ?

Mme  MADOU, à la chalanle qui s’en va.

Voyez donc madame pincée, avec son nez maquillé ! Va donc te coucher, vieille poupée, t’as pas d’ quoi payer !…

RAFLAFLA, à part.

Ô Cupidon ! sur laquelle jeter le grappin de mon cœur ?

Mme  MADOU, à part.

Ah ! si le major connaissait l’objet de ma tendresse, il serait furieux !… Cachons bien ma toquade pour le jeune Croûte-au-Pot.

Mme  BEURREFONDU, à part.

Dissimulons ma flamme pour ce jeune gargotier… Le major est jaloux, il pourrait le détériorer !…

RAFLAFLA, à lui-même.

Cette hésitation incohérente z’est intempestive ; il y a quelqu’ anguille sous roche. Allons donner la leçon z’à mes tapins, et revenons mystérieusement. (Il s’éloigne par le fond, à gauche.)