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CIBOULETTE.

Eh bien ! après tout, où est le mal ? On peut bien s’ laisser embrasser par son futur.

Mme BEURREFONDU.

Son futur ?… Jamais je ne permettrai que vous épousassiez ce jeune homme.

CIBOULETTE.

Nous n’attendons que le consentement de mes parents pour nous marier ; ça sera peut-être difficile, vu que j’suis orpheline de naissance.

Mme BEURREFONDU.

Eh bien ! qu’on vienne me consulter, j’en dirai de belles ! Une jeunesse qui se laisse embrasser par des jeunes gens sur le carreau de la halle !…

CIBOULETTE.

Je ne crains rien ; et si je retrouvais seulement mon père, qu’était sergent de grenadiers…

Mme BEURREFONDU.

Comment ! votre père était sergent ?…

CIBOULETTE.

Et qui m’a laissée en plan pour les mois de nourrice qu’il n’a pas payés, en partant pour l’autre monde, après m’avoir fait ses adieux…

Mme BEURREFONDU, très-émue jusqu’à la fin de la scène.

Quel soupçon !… (A Ciboulette.) Quel est ton âge ?

CIBOULETTE.

Dix-huit ans, aux haricots verts prochains.

Mme BEURREFONDU.

Ton sesque ?

CIBOULETTE.

Féminin.

Mme BEURREFONDU.

Et t’es native ?

CIBOULETTE.

De Vaugirard !

Mme BEURREFONDU.

Ah ! un canapé ! une bergère ! je m’affaisse ! (Elle tombe dans le baquet placé à droite.)

CIBOULETTE, effrayée.

Dieu ! au secours !

Mme BEURREFONDU.

Je bois un coup… sauvez-moi !