Page:Lapointe - Une voix d’en bas - Échos de la rue, 1886.djvu/136

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Son corset, je le crois, n’étais pas de satin ;
Sur les talons non plus point de robe traînante ;
Point non plus sur les bras de gaze transparente,
Dentelles ni velours n’enveloppaient son sein.

Ses cheveux, reployés et noués sur sa tête,
Dans un réseau de tulle avec soin contenus,
Descendaient sur son front comme un bandeau de fête.
Angélique ornement des temps qui ne sont plus !
C’est ainsi qu’autrefois, dans la nef aux cent cierges,
Raphaël l’étalait sur le front de ses vierges.

Au fond sa simple mise avait un air coquet.
Mais quoi ! rien qu’un fichu ? qu’une robe de toile ?
Pas plus. Et sur son cœur, pour parure, un bleuet,
Nouvellement cueilli, brillait comme une étoile.

Il faut tout avouer. Son pied vif et charmant
Était pourtant chaussé très magnifiquement.
— Messieurs, je m’y connais. — Et, comme un scarabée,
Sur des bas blancs luisait le chausson peau dorée ;

Mais il faisait si beau ! puis, fraîche à son réveil,
L’aurore sans pleurer annonçait le soleil.
Enfin mon éveilleuse et matinale amie
Me dit en souriant : « Je suis la Poésie. »

Quoi ! m’écriai-je, vous ? dans mon échoppe ! ô ciel !
L’abeille n’a donc plus où déposer son miel ?
Les princes mieux que moi paieront vos symphonies,
Madame ; retournez au palais des génies.

« Mon Dieu, je ne suis pas de si bonne maison,
« Répondit-elle. Au front, vois, je n’ai pas d’opales.