Page:Lapointe - Une voix d’en bas - Échos de la rue, 1886.djvu/137

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« À mes doigts point ne luit l’or des Orientales [1] ;
« Je n’ai pas de corail et je suis sans blason.

« N’ayant point la pâleur des tristes élégies,
« Un costume de deuil non plus ne m’irait pas ;
« Et puis je vais à pied et je marche à grands pas.
« Ma voix, brève d’ailleurs, sied mal aux Harmonies [2]. »

— Eh ! qui donc êtes-vous ? — « Je suis la jeune sœur,
« La pauvre Cendrillon de ces deux grandes muses.
« D’être de leurs parents je leur fais mes excuses,
« Mais chacun a son lot de joie et de douleur.

« Ne vas pas ébruiter ce secret de famille :
« Je n’étais guère encor qu’une petite fille,
« Que je courais avec les populations
« Chauffer mes mains au feu des révolutions,
« Alors qu’à leur foyer, et les portes bien closes,
« Mes deux sœurs noblement étendaient leurs doigts roses.
« Je suis fille du peuple et fille des faubourgs ;
« Enfin, je suis la muse antipathique aux cours. »

Cette dame, pensai-je, avec son ton de reître,
Près de certaines gens ira me compromettre,
Et justement déjà, ce discours libéral
Me ferme le trésor et m’ouvre l’hôpital.

Elle continuait : « Laissons ces demoiselles
« Sur les plus hauts sommets s’abattre à grand bruit d’ailes,
« Planer et s’égarer, brillantes dans leur vol,
« Au-dessus de la foule enracinée au sol.

  1. De Victor Hugo.
  2. De Lamartine.