Page:Lapointe - Une voix d’en bas - Échos de la rue, 1886.djvu/16

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qu’elles ont de nos jours, mon instruction touchant les arts, la philosophie, l’histoire, comme on s’en doute bien, et on ne s’en apercevra que trop, dut être fatalement négligée.

À douze ans en apprentissage ; à quinze, ouvrier. Mes loisirs, en admettant mes goûts innés pour les belles-lettres, furent toujours rares. Le milieu dans lequel j’ai vécu : les chambrées, était peu propre à m’initier au langage des muses qui ne viennent qu’avec répugnance s’aventurer à la lampe fumeuse des veillées délétères. Mes premières publications durent nécessairement se ressentir de ces points de départ : défaut d’instruction, absence de temps, souci du pain quotidien. Il fallait, en vérité, toute l’audace d’une jeunesse enthousiaste et quelque peu affolée pour se présenter au public aussi pauvrement accoutrée… Et cependant que de bruit à l’apparition de mes premières poésies ! À quarante ans de distance, je ne puis me rappeler sans émotion ces promesses d’avenir[1].

  1. On lui disait alors :
    — Courage ! du poète naîtra l’écrivain, de l’écrivain l’homme illustre. Vous êtes à moitié du chemin de la gloire… mille vœux et bon voyage ! (Léon Gozlan, 1840.)
    — Des hommes comme vous parmi le peuple sont des flambeaux qui éclairent le travail des autres. (Victor Hugo, 1842.)
    — La parole de la vérité est à cette heure sur toutes les lèvres éloquentes depuis M. de Lamartine jusqu’à Savinien Lapointe. (George Sand, Revue indépendante, 1843.)