Page:Lapointe - Une voix d’en bas - Échos de la rue, 1886.djvu/18

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déployé son vol démesuré ? L’élégie n’avait-elle pas, avec Lamartine, versé toutes ses plus belles larmes aux pieds d’Elvire ? Alfred de Musset n’avait-il pas inondé la fantaisie de diamants et d’or ? Il ne fallait donc pas songer à semer en terre si soigneusement cultivée, si amplement et si soigneusement moissonnée ; je devais m’étudier à chercher moins haut des chants pour ma voix ; la rue bruyait, je m’emparai de ses échos ; de là ce livre.

Une question, cependant :

Aujourd’hui, quel sera le rôle du poète dans la société ? Son action utile ou fatale au milieu des systèmes plus ou moins contradictoires qui envahissent le monde des idées et des intérêts ? Les vents des nouvelles doctrines ont balayé les anciennes croyances et les vieilles formules. Le poète, un moment dérouté, s’il n’est le chantre des ruines, où prendra-t-il cette foi qui échauffe, enthousiasme, transporte ? Où prendra-t-il son idéal ? Est-ce dans les éléments nouveaux, mais incohérents, qui tourmentent les sociétés modernes et les poussent chaque jour à des aventures dont elles ne peuvent tarder d’exiger la solution ? Le peuple veut bien encore s’aventurer à travers le désert, mais c’est à condition qu’il sera en marche pour une terre promise. Quel Moïse nous y conduira ? Et cette terre promise, où donc est-elle ? Sans avoir la préten-