Page:Lapointe - Une voix d’en bas - Échos de la rue, 1886.djvu/19

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tion de viser au prophète, j’ai essayé d’exprimer cette préoccupation de l’avenir dans la pièce intitulée : L’Utopiste.

Dans cette espèce de tourbillon qui emporte les idées et les hommes, bien des idées ont reculé, bien des hommes, même des plus sérieux, ont dû varier : législateurs, philosophes, poètes, prêtres, tribuns ou soldats. On a vu des comtes et des vicomtes s’enrôler d’enthousiasme sous des drapeaux qu’ils avaient naguère vilipendés, et, chose non moins originale, on voit aujourd’hui des plébéiens siéger à la place des sénateurs qu’ils ont expulsés. C’est toujours Scapin revêtu de la défroque de son maître. Encore s’ils valaient mieux, ces nouveaux aristocratisés !

Le terrain mouvant de ces dernières années est sillonné par les marches et contre-marches de beaucoup de nos illustrations et de la nation tout entière ; phénomène de déplacement et d’évolution que nous devons attribuer bien plus aux événements qui mènent le monde qu’aux défaillances de l’humanité ; c’est là, du reste, un des caractères distinctifs de la démocratie, mobile et variable à l’infini. À l’avenir, elle pourrait bien abandonner l’idée libérale et autoritaire, qui s’incarne dans une individualité, pour suivre la commune nationalisée , formule redoutable dans son obscurité. Nous n’aurons plus d’incarnation mystique, ou