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Page:Laporte - Émile Zola, 1894.djvu/116

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s’accoupler, ne doutant pas que de cet accouplement contre nature, il n’en sorte ce monstre littéraire qu’on nomme : l’immoralité.

Le romancier, avant de lancer dans l’action son personnage, l’analyse, ou plutôt lui constitue un dossier de tous les éléments dont il est pétri. Décrire l’homme dans l’histoire, ou, comme on dit, dans le milieu ambiant et dans le climat historique et géographique, tel est le summum du travail analytique et critique du xixe siècle. L’auteur qui étudie seulement l’homme, invente les caractères, scrute et analyse les sentiments, ne fait qu’un roman psychologique, et celui qui le fait mouvoir et vivre dans son milieu ambiant fait un roman historique. Les écrivains qui, mêlant ces deux genres, tendent, dans leurs analyses psychiques et historiques, à sortir l’homme de son isolement abstrait et à le faire vivre dans la réalité de sa nature et de son milieu historique, sont des réalistes qui cultivent encore un reste d’idéal de convention qu’ils regardent comme de l’art : ils inventent des situations merveilleuses, des actions généreuses et des passions grandioses ; ils retouchent légèrement la réalité, en lui donnant un certain coloris ; ils font vibrer la passion patriotique et entretiennent dans l’humanité le feu sacré de la solidarité sociale. Ils ne touchent à la boue humaine que pour faire aimer le vrai, le bon et le beau,