Page:Laporte - Émile Zola, 1894.djvu/160

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matique qu’on ne vous achète et ne vous lit, ni pour la littérature, ni pour la philosophie, ni pour la science, mais pour le reste. À combien d’éditions se tirent et se vendent les savants, les philosophes et les vrais littérateurs ? Je ne cite aucun nom parmi les hommes illustres qui ont honoré ou qui honorent la science et la philosophie, ils ne sont, hélas ! connus que de l’élite, assez restreinte, des érudits ; et vous-même vous ignorez si peu cette injustice de l’ignorance et de l’indifférence, que vous avez dépouillé ces savants de leur système, de leurs formules et de leur langage scientifiques et philosophiques, pour en enrichir vos inventions immorales, pensant que personne ne se douterait de cette supercherie, ou plutôt de cette contrefaçon. Donc, le nombre des lecteurs n’est pas une preuve de la moralité du livre, le contraire est plutôt la vérité. Autant la science éloigne l’acheteur, autant l’érotisme l’attire. Il ne faut pas demander au succès un certificat de bonne conduite ; un livre ne réussit près du public que comme certains types réussissent près des femmes, que parce qu’il est un mauvais sujet.

Le livre a une double portée : il peut être apprécié comme œuvre d’art ou être interprété comme œuvre d’actualité ; il a, en un mot, une valeur artistique et une valeur d’actualité. La première constitue son être littéraire, sa condition de durée ; la seconde pro-