Page:Laporte - Émile Zola, 1894.djvu/169

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ment, c’est-à-dire vos passions, vos infirmités et vos faiblesses. Est-ce même peut-être en raison de la myopie de votre vue et de la dépravation de votre nez que vous avez toujours choisi un coin de la nature où l’on voit de près et où l’on sent de plus près de ces choses qui vous brûlent les yeux et vous emportent le nez. Le naturalisme, considéré comme art littéraire, exerce dans l’ordre intellectuel, moral, religieux, social, et sur la littérature elle-même, l’influence la plus destructive.

Dans l’ordre intellectuel, son action immédiate sur les idées ramène successivement et quelquefois simultanément toutes les couleurs et toutes les nuances des erreurs philosophiques connues sous les noms de panthéisme, d’athéisme, de matérialisme, de positivisme, de fatalisme, de scepticisme et de nihilisme doctrinal : le naturaliste, en proclamant la souveraineté indépendante de son tempérament, juge absolu de la nature, se déclare Dieu ; Dieu dans le royaume de l’art, comme le philosophe rationaliste dans le royaume de la pensée. Il efface l’idée de Dieu comme il élimine celle de l’âme, de l’esprit, de la conscience, parce que l’ombre de Dieu même l’importune en infligeant à ses œuvres des démentis irréfutables. Apprécié dans ses effets comme dans ses causes, au point de vue de son action sur les idées, le natura-