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Page:Laporte - Émile Zola, 1894.djvu/176

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doute l’art et la morale ont des disciplines distinctes, mais enfin, bon gré, mal gré, leurs départements se côtoient, et il importe au romancier, pour peu que le salut et le rang de sa patrie l’intéressent, de ne pas en étaler les hideurs sales et de ne pas, même sans le vouloir, contribuer à l’énervement national, à l’émasculation de l’espèce humaine en faisant le jeu des instincts dépravés. Qu’il ait cure ou non de l’influence sociale de son œuvre, l’écrivain qui a le souci de sa dignité, au lieu de plonger avec complaisance son lecteur dans les descriptions turpides et de servir à sa curiosité les crudités les plus sadiques, ne lui présente que des tableaux sains et virils ; sa plume n’a aucune promiscuité avec les sanies qu’il analyse : elle ne cherche pas à avilir l’homme en ne lui peignant que des monstres ; elle a l’implacable mépris du laid, surtout dans les mœurs ; elle craint autant de se souiller que de souiller. Le canaille dans l’amour, que ce canaille soit physique ou moral, est le signe de la fin d’un peuple, »

Les romanciers doivent être de vrais conservateurs, dans le bon sens du mot ; au lieu d’excuser, de favoriser et de propager le vice en le peignant avec complaisance dans une nudité de pensée et une crudité de langage, non seulement accessibles à tous, mais alléchantes, ils doivent ou se taire ou n’y toucher qu’avec la réserve et les précautions