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UN NATURALISTE
EN COUR D’ASSISES




Si l’attrait seul du réel était l’amorce qui entraîne le public à porter son argent à un auteur qui lui sert un réel plus ou moins naturaliste, il n’est pas douteux qu’il se porterait de préférence dans les tribunaux où les juges, tous les jours, pratiquent sur un réel vrai, nature. Et, de fait, il y aurait tout bénéfice pour lui, il y trouverait gratuitement un réel imprévu, authentique et toujours nouveau ; au lieu que, dans le roman, il ne jouit que d’une nature modifiée, remaniée, pastichée et surtout exagérée : le juge procède sur mesure et avec mesure, le romancier opère contre mesure et outre mesure. Et, pourtant, on lit plus le roman qu’on ne fréquente la cour d’assises, bien que l’une soit plus naturelle que l’autre ; pourquoi ? Parce que la cour, respectueuse des mœurs, impose souvent à la curiosité publique la barrière légale du huis clos, et que le livre, au contraire, escomptant et sollicitant ses appétits,