Page:Laporte - Émile Zola, 1894.djvu/32

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qu’il n’est occupé que de son moi, il l’aime, le caresse, l’admire, le tourne, le retourne, le produit sur toutes ses faces, et, par un dernier tour de main, le suprême de l’art ! l’étale en queue de paon, devant tous les naturalistes… naturalisés. Il a l’air de son buste, de celui qu’il se rêve sur un piédestal, j’entends.

La Bruyère, que je lis plus que Zola, me fournit un caractère que je ne peux résister au plaisir de reproduire pour lui ; il en fera ce qu’il voudra : « Émile, du plus haut de son esprit, contemple les hommes, et dans l’éloignement d’où il les voit, il est comme effrayé de leur petitesse : loué, exalté et porté jusqu’aux cieux par de certaines gens qui se sont promis de s’admirer réciproquement, il croit, avec quelque mérite qu’il a, posséder tout celui qu’on peut avoir, et qu’il n’aura jamais : occupé et rempli de ses sublimes idées, il se donne à peine le loisir de prononcer quelques oracles : élevé par son caractère au-dessus des jugements humains, il abandonne aux âmes communes le mérite d’une vie suivie et uniforme, et il n’est responsable de ses inconstances qu’à ce cercle d’amis qui les idolâtrent ; eux seuls savent juger, savent penser, savent écrire, doivent écrire ; il n’y a point d’autre ouvrage d’esprit si bien reçu dans le monde et si universellement goûté des honnêtes gens, je ne dis pas qu’il veuille approuver, mais qu’il