Page:Laporte - Émile Zola, 1894.djvu/64

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Ce que je veux, dans ma retraite,
Créant un peuple à mon désert,
C’est voir, sous le feuillage vert,
Flotter mes rêves de poète.

Mais avant tout, ce que je veux,
Sans quoi j’abdique et me retire,
Ce que je veux, dans mon empire,
C’est une reine aux blonds cheveux ;

Reine d’amour à la voix douce,
Au front pensif, aux yeux noyés,
Et dont les mignons petits pieds
Ne fanent pas mes brins de mousse.

Aix, mai 1859.

Ces derniers, adressés : À mon dernier amour, fermeront ce musée poétique :

Hier, enfant, tu m’as dit d’une voix inquiète,
Souriant et boudant, te penchant dans mes bras :
Toi qui chantes pour tous, infidèle poète,
Sur nos jeunes amours ne chanteras-tu pas ?

Va rimer nos amours dans le silence et l’ombre.
Je te donne un pensum et te mets en prison.
Va chercher sur tes doigts la césure et le nombre,
Et reviens, m’apportant aux lèvres ma chanson…

… Il est des amours profondes, des tendresses
Qui forcent les amants à se parler tout bas,
Emplissant les baisers de leurs âpres ivresses :
Ces amours on les vit, ou ne les rime pas…

Écoute-les chanter sur ton front, sur tes lèvres,
Ils ont le rythme d’or des amoureux concerts.
Ils bavardent entre eux, contant leurs douces fièvres.
J’ai toujours des baisers, je n’aurai plus de vers.