d’une coterie de métier qui de parti pris sont trop ses amis ou ses ennemis. Le meilleur juge du livre, c’est le temps. Celui qui résiste à sa dent, est bon, rare ou curieux. Les livres passables, les indifférents, les inutiles, les à peu près bons passent, seuls les bons ou les exceptionnellement mauvais restent. Que de Bossuets, de La Fontaines, de Molières, de Racines contemporains, aujourd’hui rivaux de gloire de leurs devanciers seront demain oubliés et obscurs ! Oui, le bibliographe qui prendrait pour argent comptant les caresses mutuelles, les congratulations réciproques, les savoureuses blandices et les délicieux emmiellements que se distribuent dans les journaux, les revues périodiques et les prospectus, les gens de lettres, et qui escompterait sur cette monnaie courante leur réputation, s’exposerait grandement à mettre en cours une fausse monnaie. Si plus d’un des quarante immortels, pourtant tous triés sur le volet, l’est si peu, quand il meurt, que tout le monde ignore quel volume l’a fait vivre, jugez ce qu’il doit en advenir de cette multitude parfaitement inconnue dont plus d’un copin a dit ou dira : c’est un jeune poète, un inconnu, mais ce jeune poète est plus poète encore qu’il n’est jeune, il deviendra grand, car cet inconnu a tout ce qu’il faut pour être un des célèbres de demain. La société est faite à cet encensement général des auteurs, à ces compliments fastueux, cela ne change rien au fond des choses, à la valeur réelle du livre mais cela gêne et déconcerte souvent le bibliographe. Le recueil qui reproduirait toutes ces apothéoses dépensées en l’honneur d’œuvres aussitôt oubliées qu’imprimées, serait une palinodie vraiment curieuse et étrange mais instructive. Les ventes publiques qui devraient inspirer une certaine confiance, obéissent trop aux engouements du jour et aux fantaisies capricieuses d’une mode éphémère pour établir dans la Bibliographie une règle sure et invariable. Le marteau du commissaire-priseur est un sot ou un flatteur, on ne peut accepter ses décisions.
Habent sua fala libelli, helas ! oui, ils ont leurs hasards, leur mode, les livres. La convoitise île la veille est rarement celle du lendemain. Moins quelques écrivains hors baisse, presque tous subiront les caprices des ventes et le jugement sans appel du temps.
Cette Bibliographie contemporaine est donc ouverte non pas toujours aux meilleurs écrivains et aux plus flattés mais à ceux