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Page:Laporte - Bibliographie contemporaine, t1, 1884.djvu/15

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premier se donne et le second se vend fort cher ; qu’en dire, sinon que c’est ainsi.

Non, il ne faut pas toujours du génie, du style, de l’originalité, de la morale pour capter l’estime des amateurs et mériter leurs enchères ; quelquefois le contraire atteint mieux ce but. Des niaiseries sorties on ne sait d’où, imprimées sur papier de chandelle… en raison d’une allusion ordurière ou d’une ignoble calomnie se vendent plus avantageusement que des livres bons et utiles. Jamais de Bonald, de Maistre, Lacordaire, Ch. Blanc, H. Martin ne soulèveront autant de frémissements de convoitise dans les ventes parmi la gent bibliomane que tel mauvais livre, que cette folle et boîteuse brochure ou que ce canard stupide.

Donc, ô écrivains modernes, Edmond About, Francisque Sarcey, Richebourg, Sardou, X. Montépin, Zaconne et tuttiquanti, y n’allez pas m’en vouloir si vous ne figurez pas dans cette Bibliographie contemporaine, félicitez m’en plutôt ; vous n’êtes pas assez mauvais pour y être admis. De l’excellent, du très bon, mais surtout du frivole, du galant, du gai, du fantaisiste, de l’effronté, du bariolé, de l’égrillard, de l’étrange, voilà la part de la curiosité littéraire et le meilleur ragoût de l’amateur. Que voulez-vous, il lui faut du pimenté ! Tous les siècles, et le nôtre n’a pas répudié cet héritage ou cette habitude, ont dans leur bagage littéraire une certaine pacotille canaille, malsaine, bête ; puisqu’elle fait la joie des fouilleurs, j’aurai soin de la ramasser quand elle se trouvera sur mon chemin.

Vous le voyez, jeunes et vieils amateurs, bibliophiles, bibliomanes, bouquineurs et autres, la moisson sera abondante et variée dans cette Bibliographie contemporaine. Les romans in-18, de la fin du Directoire, ces inconnus galants, impossibles, incroyables nous révéleront par leurs joyeuses et étranges indiscrétions les mœurs de ces frivoles copistes des Grecs et des Romains de la décadence. Cette époque, scandaleux pastiche d’autre temps et d’autres mœurs, se reflète tout entière dans cette littérature érotique de boudoir et dans ces plaquettes minuscules avec figures de Borel et de Chaillou. L’École romantique, cette littérature ardente, vigoureuse, enfiévrée et guerrière défilera nombreuse et serrée, menant par la main les écrivains les plus illustres et nous montrant les figures les plus originales. Le défilé sera long, c’est presque une armée. Si dans mes citations j’oublie quelques