Page:Laprade - Œuvres poétiques, Les Symphonies, 1878.djvu/131

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Tu semblais toujours te défendre

D’un oppresseur sombre et fatal ;
Comment donc un amour si tendre
Pouvait-il faire tant de mal ?

En retour de toute ma vie,
T’ai-je demandé rien de plus,
Sans soupçons, sans jalouse envie,
Qu’un peu de tes jours superflus ?

Une des heures dépensées
Dans l’orgueil et ses faux plaisirs
Eût illuminé mes pensées
Et comblé mes humbles désirs.

Tu m’accordais, triste chimère,
Parfois, dans un transport soudain,
Quelques moments d’ivresse amère
Que j’expiais par ton dédain ;

Quelques éclairs d’une âpre flamme
Qui me pénétrait jusqu’aux os ;
Jamais un rayon de ton âme,
Jamais l’espoir et le repos.

Quand tu vins, à travers ma voie,
M’imposer ton cruel amour,
Je vivais, peut-être sans joie,
Mais sans avoir maudit le jour ;

Quand, pour exercer leur empire

Dont s’égayait ta vanité.