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FANTÔME.

Tu me revois avec surprise,

Tu pensais m’avoir oublié ;
Mais ne crois pas que la mort brise
La chaîne dont tu m’as lié.

Tu veux douter, cacher, peut-être,
Ton effroi sous un air moqueur…
Mais il faut bien me reconnaître
À ces blessures de mon cœur.

Tu sais quelles mains les a faites,
Tu les vis trop souvent saigner.
Ce n’est plus l’heure où, dans les fêtes,
Tu peux fuir et me dédaigner.

Mes larmes s’échappent encore…
Et cependant, même aujourd’hui
Comme autrefois je les dévore,
Pour t’exempter de leur ennui.

Quand tu creusais leur source amère,
Moi, je t’en demandais pardon
De ces pleurs, objets de colère
Et prétextes de l’abandon.

Dans ma tombe, encor, je le jure,
Ces plaintes de mon cœur aimant
Sont envers toi ma seule injure…

Va ! moi, j’aurais été clément.