Page:Laprade - Œuvres poétiques, Les Symphonies, 1878.djvu/191

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Si je fleuris au sol où je fus transplanté,
C’est que je garde encor ta terre à mes racines.

Un sang paisible et fort, pur de tous vils penchants,
Est transmis à tes fils, chaste et verte contrée
Où d’Urfé promenait les bergers de l’Astrée,
Et dont la ville encor garde les mœurs des champs !

Par toi je fus poëte, et d’un plus fier langage,
Peut-être, sous mes doigts, la harpe des forêts
Parla mieux d’idéal et sut mieux tes secrets…
Mais cette œuvre est la tienne et je t’en fais hommage.

Reçois-le sans l’ouvrir, ce livre d’un songeur,
Trop plein des visions de ce siècle malade ;
Reste à chanter encor quelque vieille ballade,
Et garde bien tes fils de son doute rongeur.

Quand de revoir ton sol Dieu m’accorde la fête,
Je veux qu’aux verts détours des sentiers réjouis
Tous ceux que je rencontre, ignorant le poëte,
Tendent leur main calleuse à l’enfant du pays.

Que nul, pour me complaire, en s’efforçant, n’y cause
De, livres et d’auteurs, de systèmes nouveaux ;
Mais admire avec moi sa terre et ses travaux,
Et, sur chaque rosier me coupant une rose,

Me dise ses projets pour le futur printemps,
Combien de chars de blé sont entrés dans ses granges,
Quel nectar il espère aux prochaines vendanges,
Quel miracle aux pêcheurs promettent ses étangs.