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I

LA FENAISON



Vois, par-dessus la haie où chantent les fauvettes,
Dans le foin verdoyant aux teintes violettes,
Cachés Jusqu’aux genoux et montant de là-bas,
Les faucheurs, alignés, marchant du même pas.
En cercle, à côté d’eux, frappent les faux tournantes ;
Le fer siffle en rasant les tiges frissonnantes.
Et, dans le vert sillon tracé par les râteaux,
L’herbe épaisse à leurs pieds se couche en tas égaux.

À l’ombre, au bout du pré, chacun souffle à sa guise ;
Le travailleur s’assied, et sa lame s’aiguise,
Et l’on entend, parmi les gais refrains, dans l’air,
Tinter sous le marteau l’acier sonore et clair.
Plus loin, dans le soleil, qui le sèche à merveille,
Monte en cône arrondi le foin coupé la veille ;
Là, vous écoutez rire, autour des peupliers,
Les filles de la ferme en rouges tabliers,
Et la meule y reçoit de la fourche de frêne
Les gerbes de sainfoin que le râteau lui traîne.

Un char, dont l’essieu crie en montant le coteau,
Balance au pas des bœufs, son odorant fardeau,