Page:Laprade - Œuvres poétiques, Les Symphonies, 1878.djvu/20

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C’est par votre sang pur de tout levain sordide.
Par vous, par votre nom dont la vertu me guide.
Jamais sous votre toit au destin résigné,
Jamais un vil calcul ne me fut enseigné ;
Comme au temps des aïeux près du foyer austère,
J’ai vu briller l’honneur, pénate héréditaire ;
Je vous ai vu marcher, en quittant mon berceau,
Vers cette fleur de bien qui se nomme le beau.

Voilà pourquoi, malgré les vents et la tempête,
Ô mon père ! je fus et veux rester poëte.

Je suis sans fol espoir : je sens l’infirmité
D’un esprit inégal à ce qu’il a tenté ;
Et je ne promets pas, dans mon rêve fragile.
L’éternité du bronze à mon œuvre d’argile ;
Mais, dût l’oubli mortel la briser dès demain,
Poëte sans remords, je reste en mon chemin.

Jamais je n’ai flatté, pour un succès facile,
Le vulgaire au vrai beau par orgueil indocile ;
Jamais le rire impur n’eut d’écho dans mes chants.
Libre des passions et des instincts méchants
Ma muse a fréquenté la région sereine
Où l’auguste raison habite en souveraine.

J’ai pris, à la hauteur où vous l’avez porté,
Le culte ardent du bien et de la vérité ;
J’ai vu de quel amour, de quel respect immense,
Vous avez entouré votre noble science,
Et dans l’art que je sers, avec un soin jaloux,
J’ai gardé la fierté que je tenais de vous.