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Pour qu’au déclin des jours ce fils, en qui j’espère,
Verse une ardeur encore avec ce jus divin
Dans le sang rajeuni de l’aïeul et du père…
Laissez grandir l’enfant, laissez vieillir le vin !





IV

LES SEMAILLES





Les vapeurs de novembre et le soir qui commence
Répandent leur fraîcheur dans notre plaine immense.
Un reste de clarté, sur un nuage ardent,
Découpe le profil des grands monts d’occident.
À l’abri des sommets baignés de vapeur rose,
Le soleil, déjà las, s’incline et se repose.
Mais l’homme, infatigable à l’œuvre du labour,
Profite jusqu’au bout de sa force et du jour ;
Il pousse, avec lenteur, ses bœufs dont le poil fume.
Dans l’air qui s’épaissit tout blanchi par la brume,
On entend des bouviers traîner le long refrain.
Ah ! qu’il est beau de voir sur le même terrain,
Foulant du même pas les herbes disparues,
Six paires de grands bœufs traînant leurs six charrues !
Comme des chars de guerre, ils marchent alignés,
S’efforçant sous le joug, ardents et résignés ;
Si doux qu’on les excite avec une caresse.
Inutile au bouvier, l’aiguillon se redresse.