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LIVRE CINQUIÈME


Il est frappé, Konrad, sous le drapeau qu’il aime ;
Il tombe dans sa force ; et le combat suprême
Apporte au fier vaincu, fauché dans son printemps,
La belle mort qu’on rêve et qu’on cherche à vingt ans.
Qui vous prend jeune et pur, encore digne d’envie,
La mort qui doit guérir et couronner la vie.
La mort vient, mais trop lente ; au soldat resté seul
Les cadavres sanglants font un épais linceul,
Et Konrad, dans l’horreur de ce morne supplice,
Du dernier abandon vide l’affreux calice.
Pas un ami, pas même un étranger pieux
Pour soulever sa tête en lui montrant les cieux.
Nul espoir d’obtenir d’une balle plus prompte
La fin des longs tourments et des heures qu’il compte.
La neige, à travers l’ombre, en tourbillons descend
Épaisse, et va rougir sur les mares de sang.
Accourus à l’odeur, de toute la contrée,
Les loups ont commencé leur horrible curée.
Les pieds des noirs oiseaux qui se croisent dans l’air
En font pleuvoir du fiel et des lambeaux de chair.

Mais, l’âme de Konrad, libre dans la torture,
Domine la souffrance et dompte la nature,
Et sa fière agonie ; à la face du ciel,