Page:Laprade - Œuvres poétiques, Les Symphonies, 1878.djvu/51

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Cependant écoutez : — Sur le chemin du cœur
Il est des jours de vide
Où, dans l’or le plus pur, toute humaine liqueur
Trompe la lèvre avide ;

Où, brisé par le monde, incapable d’effort,
Le penseur sur son livre.
L’amant sur son amour, croyant que tout est mort,
Veut renoncer à vivre.

C’en est fait ! feuille et fleurs sèchent en un moment ;
La sève a quitté l’arbre ;
Le dernier flot tarit, et ta main vainement
Frappe ton front de marbre.

Tes poètes aimés, tes peintres, et, le soir,
L’archet qui nous enlève,
Plus rien d’humain ne rend à ton cœur un espoir,
À ton esprit un rêve !

Tu vois tout à travers une froide vapeur ;
Tu passes lent et sombre ;
Ta vie, objet pour tous d’ironie ou de peur,
Est le rêve d’une ombre.

Mais tout à coup l’esprit, déchirant ton linceul.
Vers le désert t’emmène ;
Jusqu’aux âpres sommets cultivés par Dieu seul,
Tu fuis la race humaine.

Tu vois les noirs sapins sous leurs neigeux manteaux.
Les lacs dans les cratères ;