Page:Laprade - Œuvres poétiques, Les Symphonies, 1878.djvu/52

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Tu vois la blanche nue argenter les plateaux
Tout rouges de bruyères.

Du glacier irisé d’azur et de vermeil
Où le chamois s’abreuve,
À l’heure où l’a frappé la verge du soleil,
Tu vois naître le fleuve.

Quand, pour gravir au loin d’autres cimes encor,
Dès l’aube tu t’apprêtes,
Tu vois, à l’orient, courir la ligne d’or
Qui dessine leurs crêtes.

Tu descends dans la nuit des antres souterrains
Au feu pâle des lampes ;
Vers toute œuvre où de Dieu les pas restent empreints,
Tu vas, tu cours, tu rampes.

Sur les rocs, sur le sable aux torrides clartés,
Ta chair sue et ruisselle.
Et rejette à grands flots tout ce que les cités
Ont mis d’impur en elle.

Tu dors sur le granit ; ce dur chevet te rend
Plus fort à chaque halte ;
Tu manges le miel pur, tu bois l’eau du torrent,
Et ta vertu s’exalte.

Tous tes sens ont grandi : ton œil voit des éclairs
Où tu ne voyais qu’ombre ;
Ton oreille, au milieu du silence des airs,
Entend des voix sans nombre.