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Je meus l’infatigable scie

Sous le toit du vieux bûcheron.

À travers le roc et l’argile
L’eau glisse et creuse incessamment ;
C’est moi, sur la terre immobile,
C’est moi qui suis le mouvement.

L’onde vierge à grands flots m’arrive,
Quand l’été ronge le glacier ;
L’écume alors blanchit ma rive
Comme la lèvre du coursier.

Si parfois mon flot déracine
L’épi d’un imprudent sillon,
Le sol que j’ôte à la colline,
Je le restitue au vallon.

L’eau dans son sein, rapide ou lente,
Tient tous les germes en éveil ;
Pour donner la sève à la plante,
Elle se marie au soleil.

La chanson du torrent convie
Chaque être à sortir du repos.
J’appelle au travail, à la vie.
Les fleurs, les hommes, les troupeaux.

Je dis : Suivez mes flots rapides,
Quittez avec moi ce haut lieu ;
Marchez, voyageurs intrépides,

Sur les chemins tracés par Dieu.