Page:Laprade - Œuvres poétiques, Les Voix du silence, 1880.djvu/158

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nt.

Pour arracher un père à sa prison germaine,
D’un hymen sans amour Fausta subit la chaîne ;
Sauvant le cher captif qu’elle n’a pu venger,
Elle accepta le nom de ce chef étranger.
Mais dès que cette main voulut serrer la tienne,
Le remords souleva ton âme italienne ;
L’époux est à tes pieds amoureux et craintif,
L’Allemand n’a rien fait que changer de captif !
Ses soins n’ont pu fléchir la fille ardente et forte
Dont le cœur s’est livré comme une rançon morte ;
Bientôt le noir soupçon, vainement repoussé,
Fait au maître un tourment des ombres du passé.

Faust a, dans cet exil qui cache leurs blessures,
Emportant sa froideur, suit l’époux sans murmures.
Docile avec orgueil, elle a bientôt quitté
Milan et les splendeurs de la belle cité.
Qu’importe à ce cœur fier un plaisir qui s’envole ?...
Mais peut-être qu'il garde une secrète idole ?

Dès lors en ces vieux murs, durant les longues nuits,
La sombre voix du lac a bercé leurs ennuis.

Or, depuis que le chef a tiré son épée,
Qu’au sang italien cette main s’est trempée,
Attestant de deux cœurs le morne désespoir,
Un plus mortel silence a glacé le manoir.
Car, plus haut que l’amour et tes rêves de femmes,
Fausta, ton cher pays règne sur ta grande âme.
Résignée aux douleurs de ce fatal hymen,
Quand tu vois dans l’époux l’usurpateur germain,