Page:Laprade - Œuvres poétiques, Les Voix du silence, 1880.djvu/159

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Tes yeux lancent la flamme, ô noble enfant du Dante,
Et ton indifférence éclate en haine ardente.


III

Une barque apparaît sur le lac rougissant ;
On croirait voir glisser, aux feux du jour naissant,
La conque où se balance une vierge marine
Sur l’écume des flots moins blancs que sa poitrine ;
La rame dans son vol trahit un bras nerveux ;
Des aiguilles d’argent parmi de noirs cheveux,
Le tissu transparent du voile noir qui flotte,
Annoncent qu’une femme en est l’adroit pilote.

C’est Fausta : sur les flots, au fond des bois amis,
Des rêves non troublés lui sont du moins permis.
L’époux, loyal et fier, respecte ces retraites ;
Elle y va s’enivrer de ses peines secrètes,
Ou sur d’âpres sentiers cherche, en sa sombre ardeur,
A fatiguer son corps pour endormir son cœur.
Elle choisit le bord des périlleux abîmes ;
A l’ombre des sapins, sur la neige des cimes,
Souffle un air froid et pur qu’elle aime à respirer ;
Sa lèvre y puise en vain sans s’y désaltérer,
Car, ô vents, ô forêts, ô musique profonde,
O parfums du désert, ô frais soupirs de l’onde
Nature où l’infini flotte de toute part,
Vous ne sauriez remplir l’âme autant qu’un rega