Page:Laprade - Œuvres poétiques, Les Voix du silence, 1880.djvu/163

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Nous n’avons qu’un devoir, venger le sol natal.
Étouffons dans nos cœurs tout sentiment rival.
Non ! je ne voudrais pas amollir sous mes larmes
La main italienne à qui j’offre des armes. »

Ainsi vont leurs discours ; et l’ombre des forêts
Les couvre au bord du lac de ses voiles discrets ;
Ainsi fuit, goutte à goutte et d’une âme oppressée,
Leur parole disant bien peu de leur pensée.

Et la rame tardive, aux murs du vieux château,
Plus lente chaque jour ramène le bateau.
Debout, Herman l’attend. Le sombre capitaine
Rapporte son ennui de la chasse lointaine.
Le repas est distrait, bref et silencieux.
L’époux timide et fier, sans rayon dans les yeux,
Porte en un cœur profond cet amour qui le ronge ;
Il souffre sans se plaindre et paraît vivre en songe.
In peu d’ardent soleil manque à ce noble sang
Pour le faire éclater en un cri tout-puissant ;
Peut-être il eût parlé sous un regard plus tendre,
Et la céleste voix s’y serait fait entendre ;
Mais ce regard sur lui jamais ne s’arrêta.
Qu’importent les secrets de cette âme à Fausta !
Qu’importe au prisonnier le trésor que recèle
Le mur sombre où se rive une chaîne éternelle !