Page:Laprade - Œuvres poétiques, Les Voix du silence, 1880.djvu/172

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Moins uni que son front sans ombres et sans rides ;
Sa lèvre est de corail, et du frais orient
Le ciel n’est pas plus rose et pas plus souriant
A peine soulevé, son sein paisible exhale
Le facile courant de son haleine égale ;
Blanche, immobile, avec un marbre on la confond.
Quel repos ! en est-il un autre plus profond ?
Un seul, et c’est celui que, d’un élan sublime,
Elle va demander, ô lac, à ton abîme !

Et la nappe d’azur, oscillant jusqu’aux bords,
D’un tombeau diaphane enveloppe son corps.

Brisant des flots émus la tremblante surface,
Un rapide plongeur fend l’onde sur sa trace.
Sous les plis orageux de leur vivant linceul
Deux hôtes dormiront, ô lac, ou pas un seul !
Veux-tu, les unissant dans ta demeure avare,
Les y garder afin que rien ne les sépare ?
Pour un plus long hymen, as-tu donc convié
Sur tes algues, ce couple à nos fleurs envié ?
Non ! tu veux nous les rendre, ô lac, et tu secondes
Les forces de l’amant qui lutte sous tes ondes.

Marco la reprendra ! l’amour est aussi fort
Pour aider à mourir que pour vaincre la mort.
Plus prompt que l’alcyon, sur la vague écumante
Le plongeur reparaît rapportant son amante ;
Par les cheveux noués à son bras triomphant
Il la tient élevée hors de l’onde qu’il fend,
S’élance, et, d’un effort suprême, en deux coups d’aile
Sur le sable prochain retombe à côté d’elle.