Page:Laprade - Œuvres poétiques, Les Voix du silence, 1880.djvu/173

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Est-ce elle, est-ce un cadavre, ô lac, qu’il te ravit ?
L’oreille sur son cœur Marco tremble... elle vit !


IX

« Oui, Marco, cet abîme où j’ai voulu descendre,
Du bonheur d’être à toi pouvait seul me défendre.
La vie est plus facile à fuir que tes baisers.
Un Dieu veille aujourd’hui sur nos cœurs apaisés ;
Enlevée au tombeau je dois te rester sainte.
Désormais je te parle et tiens ta main sans crainte ;
Et si je faiblissais, après de tels aveux,
J’attends de toi l’effort qui nous sauve tous deux.
Oui, j’ai voulu mourir pour la vertu que j’aime ;
Mais non pour m’en parer et triompher moi-même.
Tout est à toi Marco, ma vertu, mon devoir ;
Prends-les, si tu le peux, à tes yeux, sans déchoir.
L’honneur c’est toi ! sois grand et je suis assez pure.
C’est toi qu’il faut garder sans chaîne et sans souillure.
D’un remords, d’un regret, dans la lutte où tu cours,
Je ne veux pas charger tes destins déjà lourds,
J’aime mieux de ma mort te laisser la souffrance,
Car elle peut au moins se tourner en vengeance «
Et servir l’Italie et tes complots sacrés.
Il faut un chef austère à nos fiers conjurés.
Je te connais, Marco ; ta pensée est trop haute
Pour qu’un furtif amour soit bien longtemps son hôte.
Je t’aime ainsi ! pour toi, pour ta mâle grandeur,
Et veux servir ta gloire au prix de mon bonhe