Page:Laprade - Œuvres poétiques, Les Voix du silence, 1880.djvu/189

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La mer vomit les grandes eaux ;
Impur géant des premiers âges,
L’hydre, autour des longs marécages,
Souffle la mort de ses naseaux.

Un arbuste, un fruit sans défense,
Un insecte au venin subtil,
Tout cache à sa débile enfance
Quelque mystérieux péril ;
Que pourra sa main désarmée ?
D’ennemis la terre est semée ;
Vivra-t-il même une saison ?
Pour lutter avec la matière,
Pour vaincre la nature entière,
Quelle est sa force ? la raison.

 
II

Il pense, la nature est dès lors sa vassale ;
L’âme agite la masse inerte et colossale.
La pensée asservit le granit et l’airain.
L’esprit fait circuler la sève dans la plante,
Il déchaîne la neige ou la lave brûlante ;
Des éléments discords l’esprit est souverain.

Pensée, esprit, raison, c’est la force qui crée ;
C’est, après les six jours, la parole sacrée
Qui dit : c’est bien ! devant son ouvrage accompli.
La raison, c’est l’essieu sur qui tourne le glo