Page:Laprade - Œuvres poétiques, Les Voix du silence, 1880.djvu/195

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ie,
Mon rêve où j’entrevois le soleil idéal.

Je me veux affranchir de tous travaux serviles ;
Je veux pour ouvriers, dans mes champs, dans mes villes,
Animer des métaux le peuple souterrain.
Avec mes lourds taureaux, mes chevaux, mes molosses,
Je veux à m’obéir dresser d’ardents colosses
Au cœur de flamme, aux bras d’airain.

Puisque ici-bas mes jours, dont nul ne doit renaître,
Sont si courts pour aimer, pour agir, pour connaître,
Que l’œuvre plus rapide allonge les instants !
Je veux faire tenir dans une heure de vie
Un siècle tout entier du bonheur que j’envie,
Anéantir l’espace, éterniser le temps ! »


VII

Tel est notre âge, épris de superbes pensées ;
Qui donc ose sourire et les dire insensées ?
Dieu seul peut mesurer la carrière à nos pas ;
L’Océan a son lit, notre âme ne l’a pas.

Prométhée a trouvé dans sa forge profonde
L’inflexible levier qui doit mouvoir le monde,
Et qui, par le secours de quelques gouttes d’eau,
Peut d’Atlas fatigué soutenir le fardeau.
Quel pouvoir, tout à coup, donne à cette eau paisible
Des poumons du volcan le souffle irrésistib