Page:Laprade - Œuvres poétiques, Les Voix du silence, 1880.djvu/221

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Sèment, à pleines mains, les riches métaphores :
Leurs faciles chansons naissent comme tes fleurs.

Ton azur plus profond fait leurs ailes plus grandes.
Chez toi, sous ton soleil, le long des chênes verts,
Dans l’air tout embaumé de sauges, de lavandes,
J’ai senti de mon cœur voler mes premiers vers.

J’avais couvé longtemps, sous mon ciel incolore,
Mes pensers endormis par la morne saison ;
Dans ma terre natale ils germaient sans éclore :
Ta lumière a percé leur humide prison.

Depuis qu’à tes rayons j’ai vu s’ouvrir mon âme,
La neige et le brouillard n’ont pu la refermer ;
Quand mon corps s’alanguit et quand s’éteint ma flamme,
A ton foyer connu je viens tout rallumer.

Car tu m’as conservé des amitiés sacrées,
De chastes oasis habités à vingt ans,
Des souvenirs, pareils à tes cimes dorées,
Qui brillent, comme toi, d’un éternel printemps.

Sans y trouver de cœur ou de saison contraire,
Dans tes heureux jardins je fais d’amples moissons,
De poëte en poète accueilli comme un frère,
J’échange avec tes fils mon cœur et mes chansons.

Tu fis naître pour moi, sur tes plages sereines,
Ce frère harmonieux, aux splendides couleurs,