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Page:Laprade - Œuvres poétiques, Pernette, Lemerre.djvu/112

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PERNETTE.


Madeleine appelait : « O mon fils ! ô mon fils ! »
Et poussait vers le ciel, en paroles ailées,
Les vives oraisons à ses sanglots mêlées,
Disant tous les saints noms qui conjurent la mort,
Pour hâter le réveil de son enfant qui dort.

Cependant, d’un doigt sûr, d’un œil que rien n’effraie,
Le sagace docteur avait sondé la plaie ;
Veste ni ceinturon ne serraient plus le flanc
Et laissaient mieux jaillir et circuler le sang.
On vit du doux blessé se mouvoir la paupière,
Se rouvrir, se fermer au coup de la lumière ;
Un murmure sortit des cœurs presque joyeux.

Observant le docteur d’un regard anxieux,
Sans respirer, Pernette épiait au passage
L’arrêt qui se lira d’abord sur ce visage.
Tout à scruter le mal, l’œil du ferme vieillard,
Longtemps fixé, resta muet, comme son art ;
Puis, sans plus rien celer — l’épreuve étant complète —
Il leva son front pâle et regarda Pernette.
Elle reçut le coup, mais sans le laisser voir ;
Elle reprit sa force en quittant tout espoir,
Et de ses bras ardents, sans cris, sans plainte amère,
Embrassa Madeleine et lui dit : « O ma mère ! »

Mais le blessé déjà se soulevait un peu,
Rouvrait plus largement son œil limpide et bleu,
Et le docteur, sans croire à des chances meilleures,
Témoin de ce réveil, leur promit quelques heures.

Pierre avait tout compris dès le premier moment ;