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LES NOCES.


À sa mère, à Pernette, il sourit doucement ;
Et, sentant qu’il touchait aux dernières épreuves,
Du cœur et du regard il bénit les deux veuves.

La parole revint ; les noms de son amour
Sur ses lèvres erraient, murmurés tour à tour ;
Puis, de ses faibles mains enlaçant les deux femmes,
À jamais dans leur deuil il souda ces deux âmes,
Et, par un testament impossible à briser,
Les légua l’une à l’autre en ce double baiser.
Quand l’amant, quand le fils eut à tout ce qu’il aime
Versé le miel amer de cet adieu suprême,
Le guerrier se souvint, reprenant tout son cœur,
Des hasards du combat dont il mourait vainqueur.
Il exhorta les siens, honneur de la contrée,
À défendre nos bois, citadelle sacrée,
À rester jusqu’au bout libres sur ces hauts lieux,
Où se dressent encor les tombes des aïeux.
L’esprit toujours vivant forçait le corps à vivre ;
D’une plus ferme voix on l’entendit poursuivre.
Du chef prêt à partir la sagesse en éveil
Munissait ses soldats d’un prévoyant conseil.
Familier des forêts, sachant les avenues,
Les sinueux abris des gorges inconnues,
Il disait par quel art, de mille engins de mort
Un franc-chasseur des bois peut hérisser l’abord,
Et des créneaux roulant du rocher qui surplombe
Faire aux envahisseurs une infaillible tombe.

Or la mère savait qu’au delà du trépas
On peut s’aimer encore et que tout ne meurt pas ;
Elle avait songé vite au médecin suprême