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LE LIVRE D’UN PÈRE.


Ma chambre était froide, était nue,
J’y vivais morne et désolé…
Et quand la joie est revenue,
Pourquoi donc me suis-je envolé ?

On me disait : « Voici la neige
Et les longues nuits sans sommeil,
Le froid, l’épais brouillard, que sais-je ?
Ton cœur a besoin de soleil.

« Va-t’en vers la terre odorante,
La terre où fleurit l’oranger,
Où passa ta jeunesse errante,
Où tu n’es pas un étranger.

« Bien souvent tu menas ton rêve
À travers champs, sur ces hauteurs
Où chacun de nos pas soulève
Un flot d’ineffables senteurs.

« Tu sais qu’on y respire un baume,
Et que son soleil tout puissant
Refait, atome par atome,
Les trésors de l’âme et du sang.

« Tu la connais, cette nature,
Si riche d’ardentes couleurs,
Où le vers fleurit sans culture,
Entre les vignes et les fleurs.

C’est là qu’à ta pensive aurore,
La Muse, à travers les buissons,