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PERNETTE.

 
Et qui jamais ne perd une heure au cabaret !
Son crayon, le dimanche, ou son livre en cachette,
Ou le bras de sa mère, et maintenant, Pernette,
Voilà tout son repos, les seuls jeux à son goût.
Aussi, qu’on l’interroge, on croirait qu’il sait tout !
Que notre cher pasteur, de qui vient sa science,
Si je l’ai trop loué, dise ce qu’il en pense ! »

Le bon prêtre sourit ; il aimait comme sien
L’enfant que ses leçons firent homme et chrétien.
Grand vieillard encor vert, austère et plein de grâce,
Et, sous son humble habit, sentant sa noble race,
Dans l’exil, en prison, Dieu l’avait visité ;
Une fleur de tendresse ornait sa charité.
Ayant souffert beaucoup, il aimait plus encore.
Il était de ces purs que le savoir décore.
Instruit des arts, des mœurs, des lois de l’étranger,
De toute sa science utile à propager,
Il faisait concourir, dans son heureux domaine,
La sagesse divine à l’industrie humaine ;
Et, pasteur patriarche, il réglait, tour à tour,
L’œuvre de la prière et l’œuvre du labour.
Il répondit :

« Jamais terre mieux préparée

N’a reçu de mes mains la semence sacrée.
Nul fonds ne m’a produit un semblable trésor.
L’âme de cet enfant est une mine d’or ;
J’en reviens ébloui chaque fois que j’y plonge.
Nul plus exempt de fiel, de ruse, de mensonge,
Plus naïf, moins ouvert aux calculs d’aujourd’hui,
Ne suit plus fermement la voix qui parle en lui.