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LES FIANÇAILLES.


Des devoirs qu’il s’est faits, dont il rêve en silence,
Rien ne peut détourner son ardente innocence ;
Et je songe, à le voir si pur, si plein de feu,
A nos premiers parents sortant des mains de Dieu.
Le père est fortuné qui fonde une famille
Sur ce noble garçon, Jacque, et sur votre fille ;
L’active et douce enfant, belle, et qui n’en sait rien
Et qui vaut par le cœur plus que tout votre bien.
Que l’ombre d’un souci ne trouble pas ces fêtes !
Je puis bénir le joug qui va lier leurs têtes,
Sûr qu’il sera porté par deux amis joyeux
Et que leur double nom est écrit dans les cieux.
Comprenez, ce jour-là, quand vous verrez peut-être
Rayonner le pasteur et pleurer le vieux maître,
Que je vous réponds d’eux, que ce sont mes enfants !
Rien, là-haut, n’émeut plus les anges triomphants
Et le Dieu paternel qui lit au fond de l’âme,
Que la sainte union de l’homme et de la femme. »

Or, devisant ainsi, parents, voisins, curé,
Arrivaient au manoir de treilles entouré,
Sous les quatre tilleuls d’où le regard embrasse
Et mesure les champs, au loin, sous la terrasse.
Jacques se retourna vers ces prés, son orgueil ;
Comme il les saluait d’un suprême coup d’œil,
Il aperçut là-bas, au bout de la prairie,
Errer encor le couple heureux que l’on marie.

« Ah ! nos enfants, dit-il, les montrant de la main,
Ces alertes coureurs font durer le chemin ;
Se voyant tous les jours, ils ont tant à se dire ! »