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PERNETTE.


La Fonfort[1] leur offrait sa piquante boisson,
Qu’aiguisent mille sels qu’un léger gaz amorce,
Eau propice à la soif et réparant la force.

Ainsi coula pour eux, dans ce vert paradis,
Le goûter, aussi long, aussi gai que jadis.
Rire, projets charmants, douces taquineries
Brodaient, comme autrefois, les longues causeries ;
Si bien qu’à ce soleil, dans leurs cœurs éblouis,
Les sinistres pensers s’étaient évanouis.

De larges blocs moussus, d’où l’eau filtre et s’échappe,
Leur offraient et le banc et la table et la nappe,
Et de la source heureuse encadraient le miroir,
Les conviés souvent s’y penchaient pour s’y voir ;
Le ciel s’y reflétait tout bleu, pur de nuages,
Et de son vif azur bordait ces deux visages.
Des lèvres et des yeux mille signaux charmants
Couraient sur ce cristal entre les deux amants.
Tout à coup, le miroir s’agite : une tempête
Dans l’étroit océan frémit sous chaque tête ;
Un fluide animé, montant du fond de l’eau,
Efface en bouillonnant le gracieux tableau.
Alors, on s’écriait ! L’œillade et le sourire
Se disaient de plus près ce qu’ils avaient à dire ;
Les deux fronts se touchaient, mieux que sur le flot clair ;
Et les baisers cessaient de se perdre dans l’air.

Quand le soleil, doublant l’ombre qui se projette,
Ordonna le retour à la sage Pernette,


  1. Nom populaire des sources d’eau minérale et gazeuse très communes dans le Forez.