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PERNETTE.

De fleurs et de rameaux les dalles sont chargées ;
Le large plat d’étain verse à flot les dragées ;
Le gai carillonneur sonne ses plus beaux airs,
Cloches et pistolets, des cierges, des cieux clairs,
L’encens, l’odeur des pins, le souffle de la brise,
Les troncs de la forêt, les piliers de l’église,
Hier et demain, mêlés en tout confusément,
Lui versent dans ce rêve un même enchantement.
Pierre est là, sérieux, lumineux, haut de taille,
En costume à la fois de noce et de bataille,
Armé de son fusil, fleuri de son bouquet.
L’autel est un rocher, l’église est un bosquet.
On se met à genoux sur un banc de bruyères.
Des cantiques d’oiseaux terminent les prières.
Mêlé d’azur, de fleurs, de neige et de soleil,
S’étend sur les époux un poêle sans pareil ;
Nulles visibles mains ne portent ce nuage ;
Le bon curé paraît, des pleurs sur le visage,
Dans une chape d’or, sans poser sur le sol.
Des ramiers a l’entour se croisent dans leur vol.
Il parle, et de ses voix un torrent l’accompagne.
Le soleil va passer derrière la montagne ;
Le prêtre étend sur eux ses mains et les bénit ;
Le couchant rougit l’herbe et l’autel de granit ;
Les cierges sont éteints, le rocher devient sombre,
L’église et la forêt, tout s’efface dans l’ombre,
Le sommeil s’épaissit… Et, du rêve joyeux
En s’éveillant, Pernette avait des pleurs aux yeux.