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PERNETTE.

Ses paroles sortaient moins vives et moins claires :
Il annonçait des jours prévus et souhaités,
Mais le rire avait fui de ses yeux attristés.

« Mes enfants, disait-il, vos mères sont en joie :
Du sanglant recruteur vous n’êtes plus la proie :
Vous n’irez pas mourir, loin du pays natal,
Écrasés sous le char de cet homme fatal.
Ses sauvages décrets tombent avec lui-même ;
Vos fronts ne portent plus son cruel anathème ;
Rentrez dans vos maisons, vous n’êtes plus proscrits ;
Rendez votre labeur à nos champs appauvris.
Quittez ces fusils vains ! reprenez vos charrues.
Dieu ramène chez nous des fêtes disparues.
Nos hameaux vont revoir leurs enfants dispersés,
Et l’autel tout joyeux attend les fiancés.
Des paroles de paix volent de bouche en bouche.
Des soldats sont venus, qui n’ont rien de farouche ;
Étrangers et vainqueurs, ils s’offrent pour amis ;
Opprimés comme vous, comme vous insoumis,
Délivrés comme vous de l’oppresseur du monde,
Leur victoire est la vôtre ; elle sera féconde.
Donc, sous nos toits exempts de honte et de dangers
Supportons sans orgueil ces hôtes passagers. »
Il dit ; puis il ajoute, ému dans son langage,
Maints détails, maints conseils dictés par un cœur sage,
Sur les signes du temps, sur ces fils de nos rois
Oui nous rendaient la paix et de plus douces lois ;
Sur l’avenir que nul n’entrevoyait naguères
Et qui s’ouvrait au monde après ces lourdes guerres.

Pierre, ayant écouté, restait silencieux.