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L’INVASION.


Cet homme doit tomber ! mais soyons-en la cause !
Du sort de mon pays que mon peuple dispose.
Nous seuls du Corse impur sommes les vrais vainqueurs ;
Son joug était brisé déjà dans tous les cœurs,
Il régnerait encor, malgré vous, invincible,
Si nous l’avions voulu de ce vouloir terrible
Dont l’Europe a subi l’indomptable vertu,
Quand pour la liberté la France a combattu !
La guerre a fait ce trône, elle peut le défaire ;
Il n’a pas dans le sol sa force héréditaire ;
Qu’il en soit rejeté par le peuple en courroux,
Mais que nul étranger ne commande chez nous !
Cette terre est à nous, faite par nos ancêtres ;
Nous y devons, comme eux, vivre et mourir en maîtres ;
Nous seuls avons le droit d’en barrer le chemin,
D’y marcher librement, les armes à la main ;
Nous n’y devons souffrir, debout à cette place,
De chefs et de soldats que ceux de notre race ;
Et nul dans nos maisons ne doit trouver accueil
Sans déposer, d’abord, son glaive sur le seuil.
Savons-nous quel dessein, de leurs cités lointaines,
Pousse vers nos hameaux ce flot de capitaines ?
Ce n’est pas notre honneur qu’ils y viennent venger ;
S’ils se disent amis, leur dire est mensonger.
Moi, je n’accepte pas cette alliance altière ;
Je leur tendrai la main, mais hors de ma frontière,
Quand ma terre écartant des voisins mal venus
Ne verra plus flotter ces drapeaux inconnus.
Tant qu’ils osent camper sur le champ de mes pères,
Je maudis, je combats ces hordes étrangères !
Souffrirez-vous, amis, des hôtes oppresseurs
Dormant sous votre toit et servis par vos sœurs ?