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Page:Laprade - Œuvres poétiques, Pernette, Lemerre.djvu/83

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L’INVASION.

Les cœurs avaient reçu l’étincelle guerrière
Et ce cri s’éleva :

« Nous ferons comme Pierre !

Nous vivrons, nous mourrons sous son commandement. »

Et tous les bras levés confirmaient ce serment.

Et le vieillard se tut, sachant qu’il est des heures
Où le cœur en remontre aux têtes les meilleures ;
Et, gardant ses conseils pour une autre saison,
Au cri venu de l’âme il soumit sa raison.

Il connaît bien d’ailleurs, l’ayant formé lui-même,
L’indomptable vouloir du jeune chef qu’il aime.
Puis il goûte en secret le dessein qu’il combat ;
Des mêmes passions il sent son cœur qui bat.
Car, sous les jougs divers que la foule tolère,
Lui, toujours, a frémi de honte et de colère ;
Et, le despote à bas, il s’agit de venger
L’affront qu’imprime au sol la main de l’étranger.

Or, sans autre discours — la parole étant vaine
Quand l’âme est résolue et l’action prochaine, —
Mais, longs à s’embrasser, à se serrer la main,
Pierre et le bon docteur se dirent : « À demain ! »

Guettant l’heure propice au grand coup qui s’apprête,
Le jeune chef veillait dans la forêt discrète.

L’ardent vieillard, béni du peuple des hameaux,
Reprit sa course active à soulager les maux ;
Semant sous chaque toit ses paroles habiles,