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PERNETTE.


Sera percé du fer comme ce Dieu lui-même !
Un soldat agit bien, qui meurt pour ce qu’il croit,
Qui s’arme faible et seul pour l’honneur et le droit,
S’arrache pour combattre à ses moissons prospères,
Et frappe l’agresseur du tombeau de ses pères.
Pourquoi ce noble orgueil verse-t-il tant de sang,
Tant de sang inutile et surtout innocent ?
Dans la plus juste cause, il faut être économe
Des morts et des terreurs et des larmes de l’homme,
Et ne porter de coups que dans les rangs épais,
De ces coups forts et sûrs qui décident la paix.
Qu’importe à tout l’État que notre humble village
Ait, à l’écart, son jour de gloire et de carnage ?
Tout se décide ailleurs I Et nous avons frappé
Un hôte indifférent, pour une nuit campé,
Qui dans nos champs a peine eût laissé quelque ornière
Disparue au matin sous l’herbe printanière.
Qui sait, après ce coup de ton bras généreux,
S’ils ne reviendront pas irrités et nombreux,
Craignant l’exemple, ardents à l’effacer bien vite,
D’autant plus forts, hélas ! que nul ne nous imite ? »

Prompt à juger les cœurs d’après son cœur vaillant,
Pierre étendit la main et dit en tressaillant,
Comme s’il engageait le sol par sa promesse
Et s’il prêtait serment pour toute la jeunesse :

<< Tous feront comme nous, cher pasteur, je le sais !
Tous ont frémi de voir souiller le sol français.
Chacun se lèvera qui peut tenir une arme !
Nous avons ce matin poussé le cri d’alarme,
Et, des plus hauts clochers jusqu’aux plus humbles toits,