Pour tes lèvres le miel, le lait, ce qui ruisselle
A flot de chaque ruche et de chaque mamelle ;
La mousse pour tes pieds, les gazons caressants,
Tout est fait pour payer un tribut à tes sens.
Lorsque tu parleras, partout dans les campagnes
Des voix te répondront, tes fidèles compagnes.
Chez les êtres vivants avec toi conviés,
Tu pourras à ton gré choisir des amitiés.
Durant le jour, souvent, la voix de l’époux même
Te fera souvenir qu’il te suit et qu’il t’aime ;
Et chaque soir ici tu viendras reposer
Sur sa douce poitrine et goûter son baiser.
Mais si tu ne veux voir s’effacer comme un songe
Ces beaux lieux et l’extase où ce baiser te plonge,
O Psyché ! n’ose pas, d’un flambeau curieux,
Interroger d’hymen le lit mystérieux.
Le destin plus puissant, et, sans doute, plus sage,
Ne veut pas de l’époux te montrer le visage ;
Mais livre-lui ton âme, enfant, et tu verras
S’éveiller tout un monde éclos entre ses bras.
Et les lèvres d’Éros touchant son front pudique
Y déposent le sceau de l’union mystique.
Bientôt la vierge laisse, en son trouble charmant,
Sa ceinture tomber sous les doigts de l’amant,
Et, parmi les soupirs et les baisers sans nombre,
Les rites de l’hymen s’accomplirent dans l’ombre.
Le palais nuptial brillait, plein de soleil,
Au matin, quand Psyché, secouant le sommeil,
Cherchait près d’elle Éros et lui parlait encore ;
Mais le nocturne époux avait fui dès l’aurore.
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