Elle veut des glaciers percer les vastes flancs,
Et, plongeant jusqu’au fond, voir quels hôtes recèlent
Les cavernes d’azur d’où les ondes ruissellent.
Souvent, lasse d’errer dans l’inconnu lointain,
Elle s’assied, et pleure, et maudit son destin ;
Et l’amour la relève, et le doute la brise :
« Elle n’est pas aimée, et l’époux la méprise ;
Car deux cœurs peuvent-ils, quand leurs amours sont vrais.
Sur le lit nuptial se cacher leurs secrets ? »
La passion, le doute, et la soif de connaître,
Et l’orgueil et l’effroi troublent ainsi son être.
« S’il est beau, pourquoi fuir la lumière du jour ?
Il craint que la terreur n’efface en moi l’amour.
Quelque monstre hideux, masqué par les ténèbres,
M’apporte chaque nuit ses caresses funèbres.
Pourtant, comme ils sont doux ces champs dont il est roi !
Quels peuples gracieux grandissent sous sa loi !
Et lui seul resterait, en qui la force abonde,
Privé de la beauté qu’il répand sur le monde !
Non ! sa forme est divine autant que son pouvoir ;
Celui-là devient dieu qui peut l’apercevoir ;
Le connaître en plein jour, c’est voir la beauté pure !
Pourquoi donc me cacher sa céleste figure
S’il m’aime, et si son cœur, heureux de mes désirs,
De mon propre bonheur sent doubler ses plaisirs ?
« L’admirer dans mes bras, ô volupté sacrée !
Être par tous les sens à la fois enivrée ;
Quand la flamme languit, dans ses yeux l’attiser !
Ce charme à mon amour peux-tu le refuser ?
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