Page:Laprade - Œuvres poétiques, Psyché, Lemerre.djvu/43

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À travers le baiser expira leur doux verbe :
Et sur le lit de pourpre, aux pieds d’argent sculpté,
Dans l’ombre commença l’hymne de volupté,
Soupirs, cris étouffés, syllabes inouïes,
Fleurs sonores d’amour, dans l’ombre épanouies.
La curieuse ardeur des regards impuissants,
Abandonnant l’esprit a passé dans les sens,
L’inconnu l’aiguillonne : avide et provocante,
Psyché donne à l’époux des baisers de bacchante,
Et cherche avec fureur, trompant le vrai désir,
Cet infini caché qu’elle n’a pu saisir.

Ah ! la volupté même a sa pudeur divine,
Quand le corps règne ainsi, c’est que l’ame décline ;
Que le souffle idéal est là-haut remonté !
Tu meurs avec l’amour, ô fleur de chasteté !
Adieu la sainte ivresse, où le réel s’oublie.
Au calice des sens on boit jusqu’à la lie,
Et dans l’épais breuvage où n’est plus l’eau du ciel,
De la première goutte on cherche en vain le miel ;
Le cœur n’y goûte plus la tendresse et l’extase,
Et la lèvre en vain s’use aux bords amers du vase.

Or le sommeil qui suit le plaisir prodigué
Versait ses lourds pavots sur l’amant fatigué.
Mais Psyché veille, hélas ! Qui peut enchaîner l’âme,
Pour assoupir le doute, où cueillir un dictame ?
Quel lit sait endormir les désirs de l’orgueil
Et l’ardeur de savoir ?… Pas même le cercueil !

Des bras de son époux, dont l’étreinte amollie
Sous son adroite main doucement se délie,