Page:Laprade - Œuvres poétiques, Psyché, Lemerre.djvu/44

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Psyché glisse, et du lit descend d’un pied furtif.
Elle écoute ; son souffle en son sein est captif,
Et, sur l’épais tapis muet contre la dalle,
Elle sort à pas lents et sans bruit de la salle.
Elle brave l’effroi des dédales obscurs,
Et dans l’ombre, guidée en s’appuyant aux murs
Jusqu’à l’endroit secret où son arme est fermée,
Elle y prend le poignard et la lampe allumée.
Longuement elle hésite aux approches du lit ;
Son cœur bat, son regard se trouble ; elle pâlit.
Elle va donc le voir 1 Elle craint, elle espère,
N’ose encor sur l’époux projeter sa lumière.
Elle se penche enfin… Et qui frappe ses yeux !
L’Amour !… le dieu puissant, et beau parmi les dieux !
A peine elle aperçoit sa face inattendue,
Toute force lui manque ; elle tremble, éperdue.
L’œil mortel ne saurait porter tant d’idéal.
Sous le poids fléchissant, vers le lit nuptial,
Ses genoux ont frémi… La lampe vacillante
A versé sur l’époux une goutte brûlante.
Le dieu, de son repos brusquement réveillé,
Profané par les yeux, et par l’huile souillé,
Se dresse avec courroux, voit l’amante coupable,
Et, cachant sa pitié, de cet arrêt l’accable :


EROS

« Ah ! ce regard détruit le bonheur de tous deux !
Tu romps entre nos cœurs les invisibles nœuds,
Et ta lampe grossière éteint la pure flamme
Par qui l’âme d’en haut pénétrait dans ton âme.
Mon front te restera caché comme autrefois,